L'un des exemples les plus récent que l'on ai des atrocités du monde est l'attentat survenu à Nice il y a quelques mois, le 14 Juillet 2016, qui a fait 85 morts (dont des enfants) et de nombreux blessés. Le choix du mode opératoire de l'attentat est particulièrement horrible: un "camion bélier" pour écraser la foule.
Face à cette information bien réelle nous sommes tous plus ou moins plongés dans la stupéfaction ou le déni. Même avec quelques mois de recul il est assez difficile d'analyser cette information complètement et rigoureusement même si bien sûr des dizaines de spécialistes le font pour nous à la télé.
D'où ma question: comment appréhender l'horreur du monde? Comment l'appréhender intellectuellement et personnellement afin de ne pas juste se contenter de calquer ses réactions sur celles de ses voisins.
La stupéfaction consiste a rester hébété par la nouvelle comme lorsque l'on se réveille d'un cauchemar et à se dire: comment est-ce possible que nous n'ayons rien vu venir... Souvent cela est suivi par des émotions comme la tristesse ou la colère selon le caractère de chacun; on peut aussi ressentir de la paranoïa car il est assez évident que l'on vit une époque où les théories du complot trouve de quoi s'alimenter très régulièrement.
Le déni survient souvent quelque temps après. Comme si notre cerveau ne savait plus quoi faire de cette information et finissait par la lâcher pour continuer à vivre. Personnellement je suis assez étonné d'entendre régulièrement des gens se féliciter de continuer à vivre comme si les attentats n'existaient pas ou comme si cela était pire de continuer d'en parler (faire le jeu des terroristes) car en fait il me semble que la plupart du temps le déni est juste un réflexe de survie. Personnellement je pense être passé par toutes ces phases: stupéfaction, tristesse, colère et déni.
Je crois que la prise de conscience de l'horreur du monde est le travail d'une vie car avant d'être éventuellement confronté de près à un drame, une certaine conscience de la dangerosité du monde environnant émerge chez l'enfant et transforme sa vision de la vie à jamais.
Cela nous donne aussi à réfléchir aux notions de bien et de mal quand on est face au "Mal absolu"; je ne crois pas qu'enfants ou adultes, femmes ou hommes, qu'importe sa culture, on soit bien préparés à appréhender ces notions. Tout du moins, beaucoup d'adultes se sentent obligés de prétendre comprendre le monde qui les entoure et ne pas en être surpris. Il va sans dire que pour beaucoup une croyance ou une religion devient la grille de lecture unilatérale du monde.
Pour développer cette idée de "dangerosité du monde" je pense que l'on peut se tourner à la fois vers l'observation de la nature et l'observation du conditionnement de notre cerveau.
Effectivement il suffit d'observer la nature pour constater que dans le cycle de la vie très souvent on est dominant ou dominé et on finit par périr dévoré par son ennemi, c'est caricaturalement le sort de la plupart des animaux. D'autres part l'archéologie et l'histoire (toujours à redécouvrir) nous enseigne qu'au début de son apparition sur terre, l'être humain a été sans cesse confrontés à d'horribles créatures dont il devait s'échapper non pas par sa force mais par son intelligence (certaines théories avancent que les humains ont cohabité avec les dinosaures, après tout: on était pas là pour en témoigner...). Ainsi donc la notion de danger est profondément ancré dans notre ADN.
Je suis persuadé que chaque nouvel enfant qui naît a en lui ce patrimoine de réactions face aux dangers. Les réflexes de survies et l'utilisation de son cerveau pour se sauver en étant le plus malin, la peur, la fuite ou l'attaque: tout cela fait partie de nous. Et qui sait si cela ne pourra pas nous servir un jour? Mais on peut survire physiquement et être mort intérieurement, d'où l'idée de l'importance du suivi psychologique des victimes d'un attentat, pour revenir à l'exemple initial. Mais plus simplement ou peut parler de nécessité à témoigner, à formuler son effroi pour les victimes et pour nous, en tant que communauté, à créer de la solidarité par la prise de parole.
Malgré tout que constatons-nous au quotidien? Nous sommes invariablement exposés à des images de violence issues de la fiction.
Que l'on vive une période instable n'y change rien: les séries télés, les films, les jeux vidéos, les clips, internet ou même les livres nous plonge dans des descriptions apocalyptiques de combats, des détails sordides de meurtres (ai-je besoin de donner des exemples?).
Je dois préciser ici que je ne suis pas contre toutes ces formes de créations et que je crois fortement à la liberté d'expression.
D'ailleurs toute cette violence sur les écrans n'est, à mon avis, que le prolongement de la littérature classique et de la tradition plus ancienne des récits oraux, même si la mise en images (possible depuis l'invention du cinéma) apportent beaucoup plus d'impact au propos.
Je dois dire que j'ai toujours été particulièrement rebuté par les films d'horreurs, ce type de cinéma (assez récent malgré tout) est comme une mise en scène du pire mauvais goût de tout les travers de l'humanité.
Mais ce qui m'étonne le plus c'est que le propos est récréatif, effectivement les gens qui regardent ces films la font pour s'amuser (à défaut de se détendre). J'imagine que cela fonctionne par valeur d'exutoire mais j'avoue me demander quel mécanisme du cerveau pousse des gens à apprécier voir des scènes de tortures les plus gore possible. C'est sans parler de ces horribles vidéos trash disponibles sur internet qui pour le coup ne sont pas de la fiction.
Mais regarder cela fait-il de quelqu'un un monstre? Non évidemment. Déjà notre discernement nous fait apprécier les différences fondamentales entre mise en scène et réalité. Et si l'on considère que ces images sont trop dangereuses on risque alors de tomber dans la passion pour la censure, qui à mon avis est une insulte à notre intelligence où un petit nombre d'élus dictent au plus grand nombre leurs comportements. Et d'ailleurs tout ce qui se rapproche de la censure s'éloigne de la démocratie à mon sens.
Néanmoins je me demande si cette fascination pour les atrocités n'est pas une vaine tentative pour nous autre humains d'apprivoiser le mal absolu comme si en le recevant par petites doses on pouvait mieux le comprendre. Et je doute très fortement que cela fonctionne.
Cet article fait suite au projet de blog/magazine "Déconstruction" que j'ai créé il y a quelques années et où je voulais aborder des thèmes plus sérieux et sociaux. Je pense revenir régulièrement avec des articles plus sérieux, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.
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